DUVIGNEAUD (Paul)

DUVIGNEAUD, Paul (Marche-en-Famenne, 13 août 1913 – Ixelles, 21 décembre 1991), botaniste, professeur d’université

Paul Duvigneaud est le fils de Joseph Jean Marie Paul Duvigneaud, ingénieur minéralogiste et des ponts et chaussées, et de Laure Namur. Après ses humanités gréco-latines à l'athénée de sa ville natale, il effectue ses études supérieures à l'Université Libre de Bruxelles. Il obtient les diplômes de licencié en sciences chimiques (1935) et de licencié en sciences botaniques (1937). Il est reçu docteur en sciences botaniques de l'Université Libre de Bruxelles en 1940.

Dès septembre 1940, il est assistant à l'ULB jusqu'à sa fermeture par l’occupant en novembre 1941. Il participe ensuite au réseau des cours clandestins en donnant des cours de botanique. Il est engagé par « l’Institut des Parcs nationaux du Congo belge » pour étudier le matériel d’herbier des lichens du Kivu. En 1949, il est nommé chargé de cours à l'Institut agronomique de Gembloux. En 1950, après l'admission à l'éméritat de Lucien Hauman, son maître, il est nommé chargé de cours à l'ULB, puis professeur extraordinaire en 1952 et professeur ordinaire en 1956. De 1977 à 1983, il est professeur visiteur à l’Université Paris VII, qui lui décerne le titre de docteur honoris causa en 1984. Il est admis à l'éméritat en 1983.

La carrière scientifique de Paul Duvigneaud témoigne d'une page importante de l'histoire des sciences naturelles en Belgique. Lichénologue et phytosociologue, il fut un des pionniers de l'écologie et le fondateur de l'écologie urbaine. Il a joué un rôle essentiel dans l’exploration botanique du Congo méridional.

En 1948, Paul Duvigneaud réalise ce qui reste, encore aujourd’hui, une des missions les plus fructueuses de toute l'histoire de l'exploration botanique du Congo. En neuf mois, traversant le pays depuis l’océan Atlantique jusqu'à la frontière orientale du Katanga, il étudie pratiquement tous les grands types de végétation du Congo méridional. Il constitue une collection de cent mille échantillons d'herbier. Trois autres missions, de plus courte durée au Katanga (1956, 1957, 1960), viendront compléter cette collection exceptionnelle, déposée à l’ULB. Paul Duvigneaud pousse à un haut degré de perfection l'approche géobotanique classique. Sur le terrain, l’étude d'un site comprend des notes décrivant le paysage, le sol, des listes d'espèces, des croquis de structure de la végétation et du paysage. Ces notes sont accompagnées de photos, d'échantillons d'herbier et d'échantillons de sol. Ce matériel va alimenter les recherches de Paul Duvigneaud pendant plus de quinze ans, aboutissant à plus de cinquante publications. Il y développe une approche très intégrative de la végétation, combinant la taxonomie, la biogéographie, les relations plantes-sols. Il s‘intéresse tout spécialement à la végétation des affleurements cupro-cobaltifères du Katanga, qu’il sera le premier à décrire en détail. Il livre en 1963 un de ses travaux les plus aboutis, « Cuivre et végétation au Katanga ». Il décrira plus de trois cents taxons nouveaux pour la science. Il participe activement à la rédaction de la Flore d’Afrique centrale et de Flora Zambesiaca, traitant des groupes réputés difficiles (Monotes, Cryptosepalum, Humularia, etc.).

A partir des années 1960, Paul Duvigneaud préside la section belge du Programme Biologique International (P.B.I.). A Bruxelles, le Centre d'Ecologie générale d'abord, puis le Laboratoire de Botanique systématique et Phytosociologie, sous sa direction, développent une intense activité de mesure de la productivité et des cycles biogéochimiques dans les forêts du sud de la Belgique (Virelles, Férage, Mirwart, Wavreille).

L’influence scientifique de Paul Duvigneaud culmine sur le plan international en 1969, au Colloque du Programme biologique international sous le patronage de l’UNESCO, qu’il préside à Bruxelles, et, en 1972, avec sa participation au symposium du Comité spécial du Programme biologique international organisé à Seattle (USA).

Démontrant le pouvoir unificateur de la notion de système écologique, Paul Duvigneaud applique les mêmes démarches à Bruxelles et à Charleroi qu'aux forêts qu'il vient d'étudier. Il fonde ainsi l’écologie urbaine. A Bruxelles, Paul Duvigneaud apporte son soutien aux mouvements associatifs de défense des derniers espaces de vie sauvage en ville.

A la demande du ministère de l'Education nationale, Paul Duvigneaud, enseignant remarquable, publie en 1962 un document pédagogique sur l'écologie à destination des enseignants du secondaire. La « Documentation 23 » sera le premier texte de vulgarisation en français de la science écologique. Profondément modifié et enrichi de très nombreuses données originales, il formera la base de « La Synthèse écologique » publiée en 1974. Le succès de cet ouvrage sera énorme ; il connaîtra de très nombreuses éditions traduites en plusieurs langues, y compris le russe. La Synthèse écologique doit une partie de son succès à la qualité exceptionnelle et la richesse de son illustration, pour laquelle Paul Duvigneaud a pu compter sur la collaboration du dessinateur Isi Goedhuys. C’est comme outil de construction d’une représentation de la nature que la Synthèse écologique garde, encore aujourd’hui, sa place dans la bibliothèque de l’enseignant.

Paul Duvigneaud devint membre de la Société royale de Botanique de Belgique en 1934. Il en fut vice-président de 1953 à 1954 et président de 1957 à 1958. Il fut à l’origine du Programme Biologique International et assura la présidence du Special Committee on Problems of the Environment (SCOPE). Il fut un ardent défenseur de la cause francophone en Belgique, notamment par son engagement au Front Démocratique des Francophones.

 

Paul Duvigneaud  eut avec Laure Bleret deux enfants, Paul-Henri et Claire.

Au moins quatorze espèces de plantes de la flore d’Afrique lui ont été dédicacées, par neuf auteurs différents, la première en 1951 (Scleria duvigneaudii Piérart) et la plus récente en 2004 (Sopubia duvigneaudiana H.-P.Hofm. & Eb.Fisch.). Le genre Duvigneaudia (Euphorbiaceae) lui a été dédié par Jean Léonard en 1959.

 

Pierre MEERTS
15 juin 2015
Université Libre de Bruxelles

 

Publications de Paul Duvigneaud

  • Duvigneaud (P.), La variabilité des associations végétales, in Bulletin de la Société royale de Botanique de Belgique, 78, 1946, pp. 107-134.
  • Duvigneaud (P.), Les savanes du Bas-Congo : Essai de phytosociologie topographique, in Lejeunia, Mémoires, 10, 1953, 192 p.
  • Duvigneaud (P.), La végétation du Katanga et de ses sols métallifères, in Bulletin de la Société royale de Botanique de Belgique, 90, 1958, pp. 127-286.
  • Duvigneaud (P.) & Denaeyer-De Smet (S.), Cuivre et végétation au Katanga, in Bulletin de la Société royale de Botanique de Belgique, 96, 1963, pp. 93-231.
  • Duvigneaud (P.), La synthèse écologique, Paris, Doin, 1974 (éd. 1), 1980 (éd. 2).
  • Duvigneaud (P.) & Denaeyer-De Smet (S.), Biological cycling of minerals in temperate deciduous forests, in Reichle (D.), Ecosystems Studies in Ecology, I, Heidelberg, 1970, pp. 199-225.
  • Duvigneaud (P.), Etude écologique de l'écosystème urbain bruxellois : 1. L'écosystème « urbs» », in Mémoires de la Société royale de Botanique de Belgique, 6, 1974, pp. 5-35.
  • Ajtay (G.), Ketner (P.) & Duvigneaud (P.), Terrestrial primary production and phytomass, In Bolin (B.), Degens (E.), Kempe (S.) & Ketner (P.), eds., The global carbon cycle, Chichester, Wiley, 1979, pp. 129-172 [SCOPE : Scientific Committee on Problems of Environment, 13].

 

Travaux scientifiques

  • Piérart (P.) & Duvigneaud (J.), A la mémoire du professeur Paul Duvigneaud (1913-1991), in Les Naturalistes belges, 73, 1992, n° 4, pp. 177-183.
  • Tanghe (M.) & Paul Duvigneaud (1913-1991), in Belgian Journal of Botany, 125, 1992, pp. 3-15.

 

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Biographical Dictionary of Overseas Belgians