ELENGA (Lokumambela Augustin)

ELENGA, Lokumambela Augustin (Mbele près de Boteka, Rép. Dém. du Congo, 17 octobre 1920 – Mbandaka, Rép. Dém. du Congo, 30 juin 1986), enseignant, auteur, homme politique.

Né en milieu rural dans une famille Mongo, de Antoine Efeno de la famille Ngondo d'Iléo-Mbele (Boende-Bombwanja) son père, et de Jeanne Balingu de Yomoto-Ikenge (Lifumba), sa mère, il passera tout son curriculum scolaire chez les missionnaires catholiques établis dans la région. Études primaires à Flandria (Boteka, Ingende), puis à l'école des moniteurs à Bamanya (Mbandaka), où il est reçu diplômé le 22 décembre 1943. De 1944 à 1949 il devient enseignant à la même école.

De 1950 à 1962 il est engagé à Bamanya comme secrétaire du Père Gustaaf Hulstaert, célèbre pour ses études linguistiques sur le lomongo et ses dialectes. Avec Paul Ngoi, également informateur important de Hulstaert, il était son informateur principal. Nous retrouvons son nom dans toutes les publications de littérature orale mongo éditées par Hulstaert (Proverbes, Losako, Fables, Contes, Contes d'Ogre, Poèmes modernes, Poèmes anciens). Hulstaert témoignait à ce propos : « Tous ces textes ont été contrôlés et, au besoin, révisés par mon secrétaire Elenga »[1]. Son nom paraît dans un grand nombre de annotations sur les fiches de base du Dictionnaire Lomongo-Français de Hulstaert. En 1969, Elenga est nommé réviseur pour l'Alliance biblique universelle au sein de la Commission œcuménique de la traduction de la Bible en lomongo.

Dévoué à sa culture mongo, il s’est engagé par ses écrits dans la lutte pour sa conservation dans le cadre d’un nationalisme culturel mongo. Elenga prend ainsi sa place dans le mouvement initié par les missionnaires Boelaert et Hulstaert pour la revitalisation du peuple par le respect pour les traditions ancestrales. Il publie une soixantaine d’articles principalement dans les périodiques de la mission catholique Etsiko (Coquilhatville 1949-1954) et Lokole Lokiso (Coquilhatville 1955-1960 et 1962) dont il est le rédacteur en chef. Dans le numéro du 15 janvier 1955, il lance le mot d’ordre : Baetsi loetwa, (Réveillez-vous qui dormez). Beaucoup d’articles écrits en lomongo (sous le pseudonyme Mponde, signifiant ‘interprète’) revêtaient un ton polémique contre les Mongo qui voulaient renier leur culture au contact des cultures occidentales introduites par la colonisation belge et qui proposaient l’adoption du lingala et du français dans l’enseignement[2] et dans la vie publique[3], et qui considéraient le français comme l’ultime expression de civilisation. Le choix pour le lomongo n’était pas toujours partagée par d’autres Mongo qui s’exprimaient entre autres dans les colonnes de La Voix du Congolais (publié à Léopoldville sous la direction du Mongo Antoine Bolamba). En 1952, Jean-François Iyeki (Iyeky)[4], Mongo lui aussi, ancien Frère des Écoles chrétiennes et co-fondateur du Cercle de la Langue française à Léopoldville, publie sous le pseudonyme ‘Anki’ un article au titre ‘La langue française, outil de notre civilisation’. On y lit : « L’étude du français doit être encouragée afin que soit supprimée la barrière qui nous sépare de la civilisation supérieure du monde occidental »[5]. Et en 1956 ce même Iyeki y revendique : « Nous voulons le français dans les écoles »[6].

Elenga veut préserver aussi l’identité mongo contre la prétention des ‘Bangala‘ qui prétendent de représenter tous les habitants de la Province de l’Equateur. Il lance son article phare : Iso tofa Bangala (Nous ne sommes pas des Bangala) en réponse à une vive polémique avec le journal Mbandaka (Coquilhatville 1947-1960) organe du Service de propagande de l’Administration coloniale à Coquilhatville.

L'importance de sa bibliographie s’appuie principalement sur l’influence du bimensuel Lokole Lokiso, publié en Lomongo, tirant à 1500 exemplaires. Ses textes toujours basés sur des enquêtes de terrain, ont une valeur ethnologique et littéraire sûre et originale. Ses reportages sur les événements à Coquilhatville et environs représentent une source importante pour l’historiographie locale. Augustin Elenga, Paul Ngoi, Ferdinand Ilumbe, assistant agricole et poète, Dominique Iloo, futur ministre de la Fonction publique et de l’Enseignement, et bien d'autres encore ne manquaient pas de mots pour défendre dans les colonnes de leur journal, leur culture et leur langue.

Pendant les années cinquante, comme enquêteur sur le terrain pour le compte de Hulstaert, Elenga apporte des arguments factuels pour la défense des droits fonciers des Congolais contre l’administration coloniale et contre les colons de Coquilhatville et environs. Dans ses articles dans Lokole Lokiso, il met ses compatriotes ouvertement en garde contre les ruses et l'instinct d'acquéreur des Blancs[7].

À l’approche de l’indépendance, il est aussi intimement lié par ses écrits à la prise de conscience politique des Mongo. Après 1960, Paul Ngoi et Augustin Elenga s'efforcent d'exercer une influence culturelle au sein des nouvelles structures politiques provinciales. Ils fondent en novembre 1962 l'‘Institut Culturel Mongo’ avec l'idée de le faire évoluer vers une véritable ‘Académie mongo’ avec comme but déclaré « La conservation du lomongo et la publication des livres et des journaux en lomongo »[8]. Le projet ne sera jamais réalisé.

Elenga a été député provincial de la Province de la Cuvette centrale du 14 août 1962 jusqu'à la suppression de cette province le 6 avril 1966. Il est resté au service du Gouvernement provincial comme directeur du Musée de l'Équateur et directeur-adjoint aux affaires culturelles à Coquilhatville.

 

Honoré VINCK et Charles LONKAMA
2 décembre 2019

 

Bibliographie :

 

Sources d’archives

Correspondance Hulstaert-Elenga, Archives Aequatoria (Bamanya-Mbandaka, République Démocratique du Congo), boîte 54, farde 85; Microfiches CH 30.31 ; CH 142 et documents incorporés dans le dossier ‘Problèmes fonciers’, Archives Aequatoria, boîte 97, farde 11 à 16 , Microfiches 3/35-43.

 

Sources imprimées

Principales publications de Elenga en lomongo

Baetsi loetswa (Réveillez-vous qui dormez). [Exhortation des Mongo à prendre conscience de leur identité culturelle], in Lokole Lokiso, 15 janvier 1955, p. 5.

Nyango nyama, bona wali (La mère est une bête, la fille est épouse), [Appliqué aux Blancs qui prennent les filles congolaises en concubines mais désignent leurs mères comme sauvages], in Lokole Lokiso (Mbandaka), 1 avril 1956, pp. 2-3.

Principales publications de Elenga en lomongo sous pseudonyme de ‘Mponde’

Bomo wuo (Une question). [Pourquoi les Blancs ne parlent-ils pas le lomongo], in Lokole Lokiso, 2, 15 juillet 1956, p. 4.

Ntabumbaka lifoka nk'ookombya (Ne terrassez pas un champion de lutte [un Blanc] sans faire semblant), [Ne jamais humilier l’adversaire], in Lokole Lokiso, 2, 15 décembre 1956, p. 8.

Nkundo-Mongo bamenya (Les Nkundo-Mongo sont mécontents). [Contre l’enseignement du lingala aux enfants mongo], in Lokole Lokiso, 3, 15 mars 1957, p 5.

Iso tofa Bangala lolo tofa la joi la lingala nkina Bangala (Nous ne sommes pas des Bangala, mais nous n’avons rien contre le lingala ou contre les Bangala), in Lokole Lokiso, 3, 15 janvier 1957, pp. 1 et 8.

Principales publications de Elenga en français sous le pseudonyme ‘Mponde’

Pour ou contre la langue maternelle à l'école primaire, in Lokole Lokiso, 3, 1 septembre 1957, p. 1.

À qui nous confier ? [Absolutisme de la tradition ou autorité démocratique moderne], in Lokole Lokiso 3, 1 décembre 1957, pp. 1 et 5.

Notre éditorial [Plaidoyer pour les Congolais des milieux ruraux], in Lokole Lokiso 3, 15 décembre 1957, p. 1.

Onze poèmes, in Hulstaert (G.), Poèmes mongo modernes, Académie Royales des Sciences d’Outre-Mer, Cl. Sciences morales et politiques, N.S. 31-3, Bruxelles 1972, pp. 32-77.

 

Travaux scientifiques

Lonkama (E.B.), Bio-bibliographie de Elenga Lokumambela Augustin, in Annales Æquatoria, 11, 1990, pp. 409-414 et http://www.aequatoria.be/04frans/032biobiblio/0321ELENGA.htm

Vinck (H.), Influence des missionnaires sur la prise de conscience ethnique et politique mongo, in Revue africaine des Sciences de la Mission (Kinshasa), 3, 1996, n° 4, pp. 131-147 (version anglaise et française sur www.aequatoria.be).

Vinck (H.), Het belang van de periodieke koloniale pers in Afrikaanse talen, in Bulletin des Séances de l'Académie royale des Sciences d'Outre-mer, 48, 2002, n° 3, pp. 269-295.

Vinck (H.), Conflits fonciers au Congo belge. Opinions congolaises, Bruxelles, Académie royale des Sciences d’Outre-Mer, 2011 (Fontes Historiae Africanae).

 

 

 


[1] Lonkama (Ch.) dans Annales Aequatoria, 11, 1990, p. 410.

[2] Elenga (A.), Nkundo-Mongo bamenya [Les Nkundo-Mongo se plaignent de l'enseignement du lingala aux petits mongo], in Lokole Lokiso, 1 mars 1957, p 5.

[3] Paul Ngoi dans Lokole Lokiso, 1957, p. 7 revendiquait des émissions à la radio en lomongo.

[4] Vinck (H.), Iyeki Jean François, in Biographie belge d’Outre-Mer, Bruxelles, Académie royale des Sciences d’Outre-Mer, t. VIII, 1998, col. 191-192.

[5] Anki [Iyeki (J.-F.)], La langue française, outil de notre civilisation, in La Voix du Congolais, 8, 1952, pp. 462-464. Citation p. 464.

[6] Iyeky (J.-F.), Nous voulons le français dans les écoles, in La Voix du Congolais, 12, 1956, pp. 701-703.

[7] Mponde [Elenga, (A.)], in Lokole Lokiso, 1 septembre 1956, p. 3 et Vinck (H.), Conflits fonciers, pp. 471-474 : « Les autochtones abandonnent leurs familles tout en laissant la place aux étrangers qui viennent piller toute la richesse de leurs ancêtres ».

[8] Mbaku (G.-M.), Mpaka Paul Ngoi kund’esaka, in Lokole Lokiso, 6, 10 novembre 1962, p. 2. Voir aussi Van Langendonck (Th.), De invloed van de missionarissen van het H. Hart op het etnisch bewustzijn van de Mongo, mémoire inédit de licence, UGent, 1992, pp. 183-187.

 

 

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Tomaison: 

Biographical Dictionary of Overseas Belgians