BAUW (DE), Anatole Constant Armand (Gand, 17 avril 1887 – Uccle, 6 janvier 1961), administrateur de sociétés [1]
Fils d’Oscar (Biographie coloniale belge, t. I, col. 91) et d’Elvire Vander Beeke qui descendait par sa mère d'une célèbre famille d'horticulteurs gantois, les Verschaffelt, Anatole De Bauw était le neveu de Guillaume De Bauw (Biographie coloniale belge, t. II, col. 46). Anatole était l'aîné de deux enfants. Sa soeur Marthe épousa Lucien Molle, ingénieur.
Au terme de ses études à l’Institut supérieur de commerce de l’Etat à Anvers, De Bauw obtint en 1906 les diplômes de licencié en sciences commerciales et consulaires et de licencié en sciences coloniales.
Sa vie professionnelle débute à Londres où il passe dans une entreprise commerciale quatre années prometteuses d’avenir. En 1910, Ernest Dubois (Biographie Coloniale Belge, t. IV (1955), col. 25.), directeur de l’Institut où il avait fait ses études, le met en rapport avec Ferdinand Goffart, directeur au ministère des Colonies. Celui-ci lui propose de prendre la tête de la Direction du Commerce et de l’Industrie, nouvellement créée dans le Vice-Gouvernement général du Katanga. Nommé à ce poste, il rejoint Elisabethville le 19 octobre 1910 après avoir traversé l’Afrique du Sud et la Rhodésie, avec un détour au Mozambique : au cours du voyage, il s’informe sur la législation et sur la situation économique dans ces régions et noue d’utiles relations avec des personnalités de l’administration et du monde économique.
La tâche confiée au jeune directeur était lourde, car il s’agissait d’organiser un service nouveau à compétences multiples. Il est accueilli plutôt fraîchement par le Vice-Gouverneur général Emile Wangermée (Biographie coloniale belge, t. I (1948), col. 951), qui s’étonne qu’un jeune homme de 23 ans soit affecté à un poste aussi important et que briguaient de plus anciens que lui. De Bauw ne se démonte pas et se met au travail. Quelques mois plus tard, son supérieur félicitera le jeune directeur pour sa compétence et son dévouement, et approuvera la manière dont il a organisé son service.
Deux domaines revêtaient une importance politique particulière. Le premier, celui de la main-d’œuvre indigène dont le statut légal, le recrutement et l’immigration posaient des problèmes délicats. Dans ce contexte, De Bauw représentera le gouvernement auprès du Comité local de la Bourse du Travail du Katanga, puis assumera la direction de cet organisme. Le second concernait l’établissement de colons européens – belges en particulier – vivement souhaité par les autorités coloniales. C’est ainsi qu’en 1917 – alors qu’il avait déjà quitté la fonction de directeur du Commerce et de l’Industrie – il est appelé à siéger dans une commission pour l’étude de l’immigration belge au Katanga. Pendant la guerre 14-18, de nouveaux problèmes surgissent, tels que l’accroissement des exportations et le difficile ravitaillement des troupes en campagne.
En 1916, la carrière de De Bauw prend une direction nouvelle car une réforme administrative englobe ses fonctions dans le cadre du service provincial des Affaires économiques. A sa demande, il est mis en disponibilité pour devenir directeur général en Afrique du Comité Spécial du Katanga.
De retour en Belgique en 1919, De Bauw rédige un livre sur le Katanga, fruit de son expérience très variée. Publié en 1920, cet ouvrage restera longtemps une des meilleures sources d’information sur la région et sur les possibilités qu’elle offrait aux Européens désireux de s’y installer comme fonctionnaires, employés ou colons indépendants.
Désormais, De Bauw s’oriente vers les affaires privées et participe activement à la création puis à la gestion de la Compagnie foncière du Katanga, des Brasseries du Katanga et de la Société d’Elevage au Katanga. Il ne reste cependant pas à l’écart des affaires publiques, ainsi qu’en témoigne sa nomination en 1921 comme membre de la Commission pour la Protection des Indigènes.
En 1920, il épouse Claire Nias, fille d’un important négociant en papeterie bruxellois. Ils rejoignent Elisabethville où naîtra leur premier enfant. La famille se fixera en Belgique en 1923 et comptera finalement cinq enfants. De Bauw retournera périodiquement en Afrique pour des missions qui durent souvent plusieurs mois.
En août 1928, De Bauw est appelé à la direction de la Compagnie cotonnière congolaise (Cotonco) en tant qu’administrateur délégué : c’est à cette entreprise qu’il consacre l’essentiel de ses activités pendant les trente années suivantes, mais on le retrouve aussi dans les conseils d’administration de plusieurs autres grandes entreprises coloniales.
La Cotonco avait été créée en 1920 au vu des résultats positifs d’une mission d’étude initiée par le roi Albert Ier pour évaluer la possibilité de développer au Congo la culture du coton. La société achetait le coton aux planteurs indigènes, le traitait dans ses usines et le vendait. Alors que la production augmentait d’année en année, la crise de 1929-1933, entraînant la chute du prix des matières premières, vint menacer l’avenir des planteurs congolais pour lesquels la culture du coton constituait la principale ressource et celui des entreprises qui achetaient le fruit de leur récolte. Un ensemble de mesures sont prises de manière à stabiliser les prix d’achat du coton brut et à minimiser ainsi l’effet de la baisse des cours internationaux sur le revenu des planteurs : avances consenties par les pouvoirs publics pour financer l’achat du coton, abaissement des tarifs de transport, etc. Quelques années plus tard, la reprise économique permettra aux sociétés cotonnières de rembourser les soutiens financiers dont elles avaient bénéficié.
En 1930, visitant les filiales de la Cotonco dans les colonies françaises et portugaises d’Afrique, De Bauw constate qu’elles aussi souffrent de la crise et conclut que pour les maintenir à flot la société-mère doit consentir de gros efforts financiers.
Une fois l’orage passé, la Cotonco prend un essor décisif sous l’impulsion de De Bauw et de son collègue André Landeghem (Biographie coloniale belge, t. V (1958), col. 529) : création de nouvelles usines de traitement équipées des techniques d’égrenage les plus modernes, sélection des meilleures variétés de coton, développement de la recherche scientifique notamment par une collaboration avec l’Institut National pour l’Etude agronomique du Congo belge (INEAC), valorisation des sous-produits de l’égrenage (fabrication d’huile et de tourteaux).
Pour De Bauw, les sociétés cotonnières ne doivent pas se borner à assurer aux planteurs indigènes un revenu stable favorisant l’élévation de leur niveau de vie, mais elles ont un rôle à jouer dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la formation. Leur action doit s’adresser à l’ensemble des populations habitant dans les zones cotonnières et pas seulement à leurs propres travailleurs. Tout au long de sa carrière et conformément aux orientations données par le président du conseil d’administration, Firmin Van Brée (Biographie belge d'Outre-Mer, t. VIIA, (1973) col. 64), De Bauw s’implique fortement dans le soutien que son entreprise apporte aux missions religieuses et associations œuvrant dans le domaine social et médical. Son expérience à cet égard lui valut d’être nommé administrateur du Fonds du Bien-Être indigène créé en 1947 et, en 1950, président du Conseil supérieur de l’Assistance sociale coloniale.
En 1939, le conseil d’administration de la Cotonco décide que, si une guerre ouverte se déclare, De Bauw partira au Congo en tant que représentant général du groupe, tandis que son collègue André Landeghem assurera la gestion des affaires au siège de Bruxelles. Au moment de l’invasion de la Belgique en mai 1940, De Bauw et sa famille se replient vers les relais successifs prévus par les responsables des principales sociétés coloniales : La Panne, Saint-Jean-de-Luz et Lisbonne, avant de s’embarquer pour le Congo. A Léopoldville, De Bauw maintient le contact avec les autorités de la Colonie. Il est constamment sur la route, inspectant les postes cotonniers et encourageant les directeurs et agents de la société à participer à l’effort de guerre. Son épouse et leurs enfants s’installent à Elisabethville où il les rejoint chaque fois que son programme de travail le permet.
De 1942 à 1944, il est appelé à siéger au Comité permanent du Conseil de Gouvernement, un organe consultatif chargé d’assister le gouverneur général. A ce titre, il propose dès 1943 l’élaboration d’un « plan d’après-guerre » de développement économique et social [2] : ce vœu trouvera son accomplissement quelques années plus tard dans la création du Plan décennal. De Bauw et deux autres membres du Comité permanent qui, comme lui, proviennent du secteur privé joueront un rôle probablement décisif en 1944, en soutenant auprès du gouvernement de Londres le gouverneur général Pierre Ryckmans [3] (Biographie belge d’Outre-Mer, t. VIIA, (1958) col. 415) qui réclamait de plus larges pouvoirs afin de faire face à une crise sociale menaçante.
Dès la création du Comité cotonnier congolais en 1929, De Bauw est membre de cet organisme qui réunit les sociétés cotonnières pour coordonner leurs programmes et leurs méthodes et pour les représenter auprès des autorités en Belgique et au Congo. A ce titre, il intervient activement, à plusieurs reprises, dans les négociations avec l’Administration visant, dans une dynamique de progrès social, à adapter les formules de rémunération des planteurs indigènes à l’évolution économique. A partir de 1945, il assume la présidence du Comité.
Président de la Cotonco et des Brasseries du Katanga, il fut administrateur de la Compagnie du Katanga, de la Compagnie du Congo pour le Commerce et l'Industrie (CCCI), de la Compagnie Industrielle et de Transport au Stanley-Pool (CITAS), de l’Intertropical-Comfina (INTERFINA) et de plusieurs autres sociétés en Angola, au Mozambique et en Afrique-Equatoriale française.
De 1928 à 1944, sans ménager ses forces, De Bauw a parcouru inlassablement les régions cotonnières, s’informant auprès du personnel de la Cotonco, des responsables administratifs, des missionnaires et des dirigeants d’autres entreprises. Ses carnets de voyage témoignent de son attention minutieuse aux réalités du terrain et du souci qu’il portait au bien-être de ses collaborateurs et de leurs familles. Il a conduit avec succès l’entreprise qu’il dirigeait, pendant les périodes de prospérité comme au travers de la crise économique et de la Seconde Guerre mondiale.
Revenu en Belgique à la fin de 1944, il fait un dernier voyage en Afrique en 1949. Son état de santé l’amène à réduire ses activités à partir de 1955 et à y mettre fin en 1959, deux ans avant son décès.
Robert De Bauw
Directeur e.r. à la Commission Européenne
fils d'Anatole De Bauw
robert@debauw.be
22 septembre 2014
Sources inédites
Archives privées Anatole De Bauw (Fondation De Bauw-Nias)
Sources publiées
a) Principales publications d’Anatole De Bauw :
De Bauw (A.), Le Katanga, notes sur le pays, ses ressources et l’avenir de la colonisation belge, Bruxelles, Larcier et Falk, 1920 (version néerlandaise : Katanga, het land, zijn hulpbronnen en de toekomst van Belgische kolonisatie, Antwerpen, Nederlandsche Boekhandel, 1920).
De Bauw (A.), L’industrie belge et le Congo, in Bulletin de la Société royale d’Études et d’Expansion, 37, octobre 1931, pp. 18-26.
De Bauw (A.), Créons des besoins nouveaux aux indigènes, in Bulletin du Comité Cotonnier congolais, 1936, 3, pp. 11-12.
De Bauw (A.), Avons-nous un programme colonial ?, in Revue coloniale belge, 1945, pp. 4-7.
b) Autres sources publiées
Trente années de culture cotonnière au Congo Belge, Bruxelles, Cotonco, 1953
Travaux scientifiques
Notices biographiques consacrées à A. De Bauw dans la Biographie belge d'Outre-Mer, t. VIIA, 1973, col. 30 et t. VIIC, 1989, col. 31.
[1] Photo MAX, Bruxelles, 1948.
[2] Copie du télégramme du Gouverneur général au Gouvernement de Londres faisant rapport sur la séance du Comité Permanent élargi du 4 décembre 1944, n° 289 du 8 décembre 1943 (Archives A. De Bauw).
[3] Voir aussi le procès-verbal du Conseil des ministres, 9 mars 1944 (Archives générales du Royaume).
Biographical Dictionary of Overseas Belgians